Cadre

Publié le par marie jeanne

Alors on va déjà commencer par poser le cadre. Si si, ça a de l’importance, un cadre. Tout comme je l’avais fait pour tenter de décrire ce qui se passait dans la fosse aux vipères (j’ai nommé l’IFSI), je vais essayer de vous montrer ce qu’est un service d’oncologie côté soignant.

 

Oncologie = cancérologie. Ça va plus parler à la plupart de ceux qui ne sont pas du milieu médical. La cancéro c’est large, et ça va de la découverte de la maladie aux derniers soins au mourant. Moi j’y travaille depuis deux ans, et toujours dans le même service. Hospitalisation traditionnelle, c'est-à-dire la prise en charge d’à peu près tous les problèmes liés de près ou de loin au cancer.

 

Alors oui, on est loin du pays des Bisounours. Y’a des gens qui ont mal, d’autres qui pleurent, d’autres qui rient, et ceux qui gueulent. Ils ont cependant tous un point commun : la trouille. Incommensurable, incontrôlable, du genre qui vous serre la gorge et vous empêche d’avaler une demi feuille de salade. De celle qui vous fait attraper la première main qui passe (souvent la nôtre) en espérant de pas la lâcher.

 

Alors encore une fois, la comédie humaine, je la côtoie. On voit des gens sortir de leur lit sourire aux lèvres pour repartir chez eux parce qu’ils vont mieux. D’autres partir du service les deux pieds devant parce que leur cancer leur a bouffé jusqu’à la dernière parcelle de vie. Et puis les familles, toujours ou presque présentes… attachiantes devrais je dire. Parce qu’elles accompagnent, soutiennent ou fuient, rient ou pleurent, nous remercient ou nous engeulent… mais qu’elles soient présentes ou non physiquement ou moralement, elles sont toujours là dans la vie du patient et dans notre prise en charge. Parfois c’est aidant, d’où le côté attachant. Parfois c’est étouffant et trop prenant (côté chiant, vous l’aurez deviné).

 

Alors oui, j’ai vu une dame, se sachant condamnée, faire elle-même ses faire-part de décès, harcelant de recommandations son pauvre mari abattu et larmoyant. J’ai vu un homme me demander d’interdire à ses proches toute visite pour ne pas qu’il le voit fatigué et amaigri par la maladie. J’ai vu une soignante disputer une malade parce qu’elle faisait caca une demi heure trop tôt et que si elle avait eu la décence de se retenir, vider son bassin serait revenu à l’équipe d’après midi (et oui, élève ou diplômée, ce genre de personnage me donne toujours autant la gerbe).

Alors je pense que je vais pouvoir en raconter des choses. Parfois banales, des fois extraordinaires, des fois drôles et d’autres dramatiques. Mais toujours bourrées d’humanité et de vie… avec la joie et les responsabilités parfois écrasantes qui m’incombent de par mon métier.

 

Je vais avouer quelque chose que même sous la torture je n’aurais pas admis il y a encore deux ans : des fois, juste quelques secondes, j’aimerais me retourner et voir la tête (même pas aimable) d’une infirmière qui serait là pour répondre et faire à ma place… mais chut, je n’ai rien dit !

 

Publié dans INFIRMIERE !!!!

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